29.9.06

génèse d'un crime (1)

dessin d.m.




Les deux grands rois
emplumés
ont joui aussi.


Descendus
de leurs échasses,
déparés
de leurs coiffes
de cacatoès,
vautrés sur des coussins
de duvet
de satin,
eux aussi
se sont gavés
au festin de chair,
eux aussi
ont plongé
fort et profond
dans les bouches roses,
dans les volcans ruisselants
de lave,
eux aussi
ont répandu dans des ventres
bien nourris
des espoirs de dynasties
et de chefs des guerres
à venir,
eux aussi
se sont désaltérés
à longues gorgées
aux torrents chauds
des vins
épicés.


Est-ce
dans les vapeurs
alchimiques
des bassines fumantes,
est-ce
dans la mijotation
d’un élixir
trop chargé
d’herbes sauvages,
que les deux rois
déplumés et nus
ont fait surgir la source
de la querelle
ou celle-ci n’attendait-elle,
nourrie de rancœurs
et d’orgueil refoulés,
que l’occasion
d’une rencontre,
que le prétexte
d’une dissolution
des codes sociaux
pour jaillir
à la face consternée
des peuples ?


Toujours est-il
que c’est à la membrane
distendue
d’une goutte
d’instant écartelé
dans cette nuit d’abandons
que fut écrite
en lettres de rage
et de fiel
la sentence
qui devait ravager tout :


« LE MONDE EST MORT ».






dessin d.m.






Cela commença
entre les deux
« Chers Cousins »
dans les rires
et les embrassades.


On se tapait
sur les cuisses
sur le ventre
en buvant
et en rotant
gras,
racontant lesquelles
on avait prises
et comment,
on se mit
pour rire encore
à compter les pucelles
qui désormais
ne l’étaient plus
de par les coups de boutoir
dont on leur avait vrillé
le ventre,
on compta,
puis recompta,
en riant moins fort,
on tricha un peu
de part et d’autre,
on se souvint
d'assauts
qu’on n’avait pourtant
pas donnés,
on se soupçonna,
gentiment d’abord,
d’en rajouter,
de compter double
sous l’effet de l’alcool
puis on finit par s’étonner
que l’autre soutînt
contre toute évidence physiologique
des totaux exorbitants,
on s’accusa mutuellement
de faire le fanfaron
de rouler des mécaniques
qu’on n’avait peut-être pas,
de vouloir toujours
et en tous lieux
paraître aux yeux des peuples
comme un être supérieur
alors que,
justement…


On ne riait plus,
plus du tout.


Les rois s’étaient levés
les yeux dans les yeux
nez à nez
haine à haine.


Plomb.









dessin d.m.




De par le camp
tout se tait.


Subitement,
de par la magie
de l’ivresse du chaos
et des Maîtres du Monde,
tout clan
toute famille
toute tribu
tout peuple
se retisse
ou de rouge
ou de blanc,
on se désunit à l’instant
du coït hétérogène,
on repousse,
dans une phobie
de contamination insidieuse,
le corps de l’autre,
de l’étranger,
on crache
on se nettoie
on se lave
on se désinfecte
on se prophylaxise
de tout son écœurement
des mélanges impurs,
on se signe ;
sous l’œil inquisiteur
de leur époux
des femmes
dégoulinantes encore
de sperme étranger et de liqueurs
s’enfoncent au fond du ventre
des pierres abortives.


 


« Des hommes sont venus » Texte déposé à SACD/SCALA



av 12 suit

13 commentaires:

Anonyme a dit…

ouhlàlà... ça se gâte !

mention spéciale à :
"c’est à la membrane
distendue
d’une goutte
d’instant écartelé"

déclarée phrase du jour!

que ta nuit soit paisible Hombre! que les marques de l'oreiller sur ton visage ne séparent pas le clan de ta joue droite du clan de ta joue gauche ;-)

Anonyme a dit…

Ca me fait plaisir, Camille, que tu aies choisi cette phrase: elle appartient à ce que j'appelle la "Poésie quantique" en référence aux phénomènes spatiaux-temporels décrits tant bien que mal par la Physique du même nom. Et qui ouvre des horizons inespérés aux artistes de toutes disciplines.

Pour les marques sur les joues, un: je vais me raser, deux: je penserai dans mon sommeil à me retourner consciencieusement d'un côté puis de l'autre afin de garder la symétrie des empreintes... Tout en me baladant en rêve dans les musiques de Puccini ou de Chopin ou de Mahdi El Asnam.
Bonne nuit à toi aussi, chère visiteuse.

Anonyme a dit…

Cette grande orgie d' amour était donc illusion...
Et du Paradis rêvé au conflit des Rois, l' histoire se répète goutte à goutte, depuis Caïn et Abel aux prétextes des conflits actuels en morcellant l' histoire des hommes de points de suspensions ensanglantés...
Alors, Hombre, obstinée, je répète ma question " Et le coeur dans tout cela?" " Et la conscience d' un homme debout épuré des soifs de pouvoir dans tout cela?"
Point de moralisme dans ces interrogations, sans doute un désir fou, naïf, démesuré de simplicité d' un monde en paix...
Et ce bel arbre au milieu de cette rixe étendue aux peuples... J' attends la suite de ton conte avec espoir et crainte, Hombre...

Anonyme a dit…

Kaïkan, c'est bien parce que moi non plus je ne comprends pas qu'on ne puisse pas vivre dans un monde simple et apaisé entre Humains debout et conscients que j'ai écrit ce conte. J'avais deux solutions: inventer un monde comme on le rêve, toi, moi et des milliards d'autres, fatigués de l'eternelle répétition des horreurs historiques (goutte à goutte, c'est cela) ou proposer une métaphore de ce dont moi, petit bonhomme de l'an 2000, je suis le témoin depuis un demi-siècle et informé des époques antérieures. Mon choix est particulièrement ingrat parce qu'au milieu d'un mouvement artistique qui propose en grande majorité des oeuvres reposantes, sentimentales, aérées, vibrillonnantes de soleil, (et ce n'est pas une critique, bien sûr qu'il en faut et heureusement que ce travail existe, je ne me prive pas d'y repirer à plein poumons pour m'y apaiser de temps en temps) moi je déboule avec mes cris d'alarme, mes visions d'apocalypse et mes histoires écoeurantes de drames sans fin. Et je paie cash ce parti-pris, je m'en rends bien compte sur les fêtes du livre par exemple où je ne risque pas de lutter contre les beaux romans d'amour, les histoires bien "gaites" , bien émoustillantes, bien ludiques ou les superbes albums de paysages paradisiaques, d'oiseaux et autres animaux émouvants. Ca montre que le public a envie de beauté, de pureté et ça me fait plaisir, ça me rassure, c'est aussi pour ça qu'il me reste un soupçon d'espoir. Je me rends compte que je paie cash mes choix quand je constate que l'"Hombre" , hormis trois précieuses et fidèles lectrices et qui me sont devenues si chères, reste desespérement évité, comme si ses contenus de nuages lourds faisaient fuir le monde, comme s'il devait porter malheur ou du moins trop assombrir
les journées du visiteur imprudent. Parano? Sans aucun doute.
Mais j'ai choisi de dire mon monde comme je le vois, comme il me blesse, comme on le blesse car je sais, de toute certitude, que pendant que le peuple, que les artistes, que les amoureux des belles choses de la vie tournent le regard pour jouir du spectacle magnifique du passage d'un vol d'oies sauvages, les autres, les requins, les loups-garou en profitent pour perpétrer leurs crimes, pour démolir, pour ravager, pour piller. Et je sais que, le vol des oiseaux évaporé par delà la ligne d'horizon, les têtes pleines de rêves revenues au quotidien ordinnaire, on peut chercher en vain le pays d'origine des oiseaux: il a disparu, ratiboisé, décapité avec les arbres et les nids, pour construire quelque aéroport, quelque usine, quelque hyper super centre commercial. Où l'on ira demain faire ses courses, prendre l'avion en rêvant qu'on s'est métamorphosé en légère et pure oie sauvage. Ne se doutant de rien. Ne se doutant pas qu'on ne les reverra jamais caresser les jeunes cotonnades célestes.
Et moi je vois, je sais, je dis et je fais fuir le monde avec mes histoires déprimantes. Mais rassure-toi, amie Kaïkan, au coeur même du drame dans mon conte, il y a des gens debout, des gens qui refusent l'absurdité et la sauvagerie. Je ne te promets pas qu'ils seront entendus sur l'instant. Mais toute graine jetée a des chances de germinaison.
Sois sûre aussi que mes personnages chavirés dans l'orgie étaient vraiment en quête d'Amour, qu'ils ont tissé de l'Amour. Mais il est des pressions sociales plus fortes que le besoin d'amour. C'est, hélas, une des contantes de l'Hisoire de l'Humanité.
Merci de m'avoir permis cette trop longue digression. Je sais que je te fais du mal avec mes histoires douloureuses. Pardonne-moi.

Anonyme a dit…

Oh, Hombre, te pardonner?
Te pardonner de quoi? d' être éveillé, lucide, d' être ce fambeau dénonciateur des atrocités des hommes? De nos atrocités?
Te pardonner, non... Te remercier, oui et de toute mon âme, ami...
Ton conte me renvoie aussi à la Genèse de la Bible... Comme quoi, l' homme a été homme vulnérable depuis le début des temps...
Et je veux bien te croire, Hombre quand tu dis qu' il y avait quête d'amour dans cette rencontre orgiaque autour de l' arbre...
J' aime cette authenticité qui te colle à la peau, Hombre et je viens, doucement poser un cataplasme de Fougères sur tes plaies béantes... Je n' ai pas la prétention de les supprimer, juste un instant d' apaisement dans ce monde de fous...
Je suis heureuse d' avoir débarqué en tes pages, Hombre, heureuse et ébranlée... ;-)

Anonyme a dit…

Mon Dieu qu'elles sont fraîches et apaisantes, tes préparations de fougères nourries des forces tendres du monde ! Ce soir, il y a une "nocturne poétique" par ici, avec Charlotte. Je m'y rendrai auréolé de senteurs vivifiantes et amicales. Merci, Kaïkan, merci.

Anonyme a dit…

Que cette nocturne te soit douce, Ami...

Anonyme a dit…

A moi! :)
Je comprends ce que tu exprimes de ta douleur, de ton choix.... parce que je commence seulement à oser exprimer la mienne. "le lacet sur mes veines" est esthétique, soit, mais est-ce joli? non, je ne crois pas. J'ai le langage cru de la douleur quand je m'exprime vraiment, et cela depuis que mes yeux se sont ouverts sur l'autre. Mais s'exprimer vraiment... Je trimbale pour mon 40ème tour de cadran, comme une désillusion qui parfois m'engloutit toute entière. J'ai évolué au sein des hommes dans ce qu'ils ont de plus précieux: leur vie et je les ai vu mourir. D'un trait, d'un fil, d'un coup de rasoir... de A à Z... le tour est vite fait... avec finalement, pas grand chose, pas grande trace, rien à garder. Et en emmenant dans la chute, toute la nappe...
Tends un miroir, tu ne verras pas grand monde tourner les yeux vers lui...tends une photo de magazine...
tout notre malheur est là! la coupure schizophrénique du déni! c'est l'autre celui qui fait le mal, moi je fais le bien, moi je suis blanc, lui est noir, moi je suis tendre, lui est dur, et dans cette vision binaire, il y a le bien et le mal, Abel et Caïn! la catastrophe biblique!
Le summum de l'hypocrysie...
Pas une once du yin et du yang... où l'on passe de l'un à l'autre avec un soupçon de l'un dans l'autre...parce que nous sommes le tout...

Refouler ce que tu écris, témoigne de cette fermeture à la moitié de soi.
Et pour l'ouvrir....c'est une autre histoire!

Courage Hombre! à la suite...à la suite...:)

Anonyme a dit…

C'est exactement ce que je pense, Camille: le rejet de l'autre dans ce qu'il présente de sombre vient de la trouille de voir surgir sa propre deuxième réalité, la non-policée , la non-civilisée. Ne jamais voir cet autre visage de "Moi".
Tiens, à ce sujet, j'aimerais savoir combien de contemporains (de "modernes") acceptent de bon coeur l'idée d'être le descendant direct d'un phylum animal? C’est à ces occasions-là que le miroir en prend un sacré coup, le traître !
A bientôt, Camille.
(pour ton petit album perso, tu as bien fait de "chicher")

Anonyme a dit…

Merci Kaïkan, accompagné des effluves de fougères, la nuit a été bonne en Poémie.

Anonyme a dit…

J' aurais pu mettre un com pour l' apocalypse ici ...

Anonyme a dit…

Je me perds dans ces histoires de rejet parfois.

Je rejette mon époux moi, non plus par peur mais pour sauver ma peau.

je n'aurais jamais du lui dire qu'il était malade. je suis devenue 'un monstre"

rapiette

Anonyme a dit…

Efface! ça n'a pas d'importance.
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