27.9.06

le fleuve des hommes (4)

dessin d.m.





Foin des cérémonies
compassées
et des bénédictions,
finis le silence
religieux
et les respectueuses
inclinations,
les plumes se sont frôlées
les bondes ont sauté,
que vivre
submerge tout,
que jouir
submerge tout !


Par clans
par tribus
par familles
par corporations
selon dieu sait quel signe
de reconnaissance,
on se rassemble
on se retrouve
on se coagule
on s’accapare des zones
de terre sombre,
on s’agglutine
sur un tertre
au pied d’un caillou pointu,
à l’anse humide
d’une rivière d’antan,
et l’on amasse
les arbres déracinés
les buissons arrachés
en bûchers vifs
et l’on égorge
à lames que veux-tu
la fine fleur
des troupeaux alarmés
et l’on dépèce
et l’on vide
et l’on embroche
et l’on cuit
et l’on chante
et l’on assaisonne
d’essences chaudes
aphrodisiaques
et l’on danse
et l’on découpe
et l’on arrache
et l’on dévore
et l’on s’enivre
aux cataractes
des outres vineuses
et l’on chavire
et l’on braille
et l’on déambule
aux azimuts libérés
et l’on se mélange
et l’on s’interpelle
et l’on se découvre
et l’on se mesure
et l’on se sent
et l’on se désire
et l’on s’accote
et l’on s’immisce
aux cœurs des autres
au corps de l’autre.


Il n’est plus
de flaques
rouges ou blanches,
plus qu’un tourbillon
d’entrelacements multicolores,
plus qu’un bouillonnement
de molécules humaines
déchaînées,
délivrées
du fardeau
de l’appartenance.







dessin d.m.





Il suffit d’un regard
d’un sourire ouvert
sur une langue rose
et mouillée
de deux mains qui se frôlent
incidemment
à la quête
d’une côte grillée
et juteuse
au feu du bûcher,
il suffit
d’un sein
qui s’appuie
sur une épaule d’homme
dans un geste mécanique,
innocent,
de cuisinaison,
il suffit
d’une épaisse
bouffée
de grasse odeur
d’homme,
de femme
mijotante
de fantasmes,
il suffit
du glougloutement
d’un jet d’urine fumant
libéré par un mâle
tressautant
de rire canaille,
il suffit
que les enfants repus
s’éloignent en courant
à quelque jeu de chasse
imaginaire
pour que les bouches
soudain se trouvent
et se dévorent,
pour que des langues affamées
de matière vivante
se ventousent
en pelotes
de limaces amoureuses,
pour que les mains fébriles
d’hommes
s’aventurent
au corps secret
d’Elle,
s’insinuent
aux replis entrouverts
et suintants
des chairs à vif,
s’emplissent
rageusement
de masses molles
et brûlantes,
s’activent
aux braises
énervées
en des rythmes furieux,
pour que les mains
de femmes
fines et dodues
pulpeuses
s’essaient
à des reconnaissances
intimes,
se faufilent
câlines et mutines
sous le tissu des pagnes
à la recherche
de doux et rudes
bâtons d’hommes,
les extirpent précieusement
pour en jouir
librement
à la lueur
des bûchers,
découvrant doucement
d’épais glands
violets
et tendus aux caresses,…







dessin d.m.





…pour s’adonner
sans entraves
à des massages
enveloppants
enroulants
pétrissants
élongateurs,
pour que des langues
d’hommes
tendres
inquisitrices
se lovent
à la soyance
des lèvres volcaniques,
papillonnent
inlassables
irritantes
à la pointe nue
de bourgeons roses,
incandescents,
se vautrent
douillettement
suavement
à la porte
hypnotique
du gouffre palpitant,
pour que des bouches
de femmes
avides des forces du monde
coulissent
jusqu’à la gorge
sur les pieux
chauds
et raides,
suscitant
d’un vibrillonnement
de langue canaille
des halètements
de soufflet de forge,
pour que des lampées
de salive poivrée
lubrifient
toutes choses
en prévision
des frictions
des frottements
inéluctables
tellement attendus
et libérateurs.




« Des hommes sont venus » Texte déposé à SACD/SCALA




av 10 suit

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Que Calor, Que Calor chez vous Hombre!!!! J'avais pensé au feu et aux langues de flammes et finalement je ne m'étais pas trompée... celui-ci ce sont les entrailles qu'il dévore goulûment!Je ris et je pense à ce prof qui disait que les végétariens n'assumaient pas la réalité de leur nature charnelle en se réfugiant dans les tours de l'esprit... tout en haut de l'arbre. Pas de ça chez vous! On est omnivore ;-)
Mais pour une fois, je suis en difficulté, je ne sais que choisir!
Diable je prends tout!
C'est jour de grand soleil! ;-)

Anonyme a dit…

Et oui, Camille, au départ, ILS/ELLES sont venus pour s'aimer ! De toutes les vibrations et gourmandises de l'Amour ! Souvenons-nous-en !
Je dois avouer que je me suis régalé à écrire cette scène orgiaque (deuxième partie très bientôt, demain peut-être...). J'ai eu à ce moment-là l'impression de toucher du doigt un petit coin de ce fameux "paradis originel".
Merci pour les moments de "grand soleil" partagé.