25.9.06

le fleuve des hommes (3)

dessin d.m.



Un brouhaha
impénétrable
charpenté
ossu
carapaçonne
ce coin du monde,
saoulant les hommes,
les compactant
en une espèce de masse
survoltée
orageuse
vibrante
grondante.


Il n’est plus de bruit
qu’humain,
tout autre être conscient
s’étant figé
d’effroi.


Cependant,
dans la gélatine
tumultueuse
de l’amas Sapiens
un mouvement s’est fait
calculé
chorégraphié :
cent torches palpitantes
se sont allumées,
tendues à bout de bras
au dessus du moutonnement
des têtes scarifiées,
se sont dirigées
en procession
jusqu’au pied du géant,
l’ont ceinturé
d’un cercle
magique
comme venu du fond
des âges
pour hurler
à la face
de toute chose
qu’à l’homme est réservé
l’usage des signes
et des symboles
et qu’à lui seul revient
le droit de tendre
les fils invisibles
qui séparent les langages,
qu’à lui seul échoit
le pouvoir de dire
qui doit vivre
et qui doit mourir,
à lui,
l’homme,
planté droit
sur ses deux jambes
robustes.







dessin d.m.






Cercle magique
donc
autour du géant
dans la nuit
confisquée.


À vingt pas,
sous l’injonction aboyée
de guerriers armés
qui leur font face,
les premiers rangs
de la marée humaine
s’accroupissent
puis les autres suivent
et bientôt
la plaine immense
au pied de l’arbre
est tapissée d’un peuple
hétéroclite
bigarré
de blanc
de rouge
et des milliers d’yeux éperdus
s’accrochent comme
des papillons
aux flammèches vacillantes
des torches.


Entre les milices
et le cercle magique,
sur un signe
qu’on leur a fait,
vingt sonneurs
furieusement tatoués
de rouge et d’or
s’époumonent soudain
dans des cornes de bélier,
dissolvant dans leur tempête
la masse
spongieuse
du brouhaha
qui bredouille
puis se tait,
surpassé.
Quand les sonneurs vidés
s’éteignent brusquement
il semble que jamais rien
ne doive plus vibrer
sur cette Terre.


Plus un murmure
plus un souffle
plus rien.


L’attente ne dure pas.
Le cérémonial
suit son cours,
ancestral,
depuis la nuit des temps,
depuis avant
peut-être.


Précédés de deux chœurs
psalmodiants
de jeunes vierges,
deux bipèdes
surélevés par des échasses
de bambou,
tendus, l’un de blanc
l’autre de soie rouge,
emplumés divinement
des dépouilles polychromes
de perroquets,
deux bipèdes
qu’on sait issus
de quelques frasques divines
et qui se disent Rois
de par l’ordre des choses,
pérégrinent
alentour de l’arbre
en de savantes
circonvolutions
avant que de s’immobiliser
nez à nez
à la face
des peuples.


Silence massif
regards d’airain.








dessin d.m.




Deux bras royaux,
d’une ondulation majestueuse,
se tendent l’un à l’autre
pointant à bouts de doigts
une plume sacrée,
une blanche
une rouge.


À peine les soies
se sont-elles frôlées,
l’immensitude
de la foule humaine se dresse
et rit
et gueule
et hurle
et vocifère
à la fête
et à la vie !


« Des hommes sont venus » Texte déposé à SACD/SCALA



av 9 suit

5 commentaires:

Anonyme a dit…

ouf! rouge oui, mais pas rouge sang.
phrase primée du jour:
"dans la gélatine
tumultueuse
de l’amas Sapiens"

bonne soirée Hombre

Anonyme a dit…

Merci merci, chère Camille, de tes visites et de tes choix de "phrase du jour" ! Cela m'amuse beaucoup!
Bonne soirée à toi aussi.

Anonyme a dit…

Et l' homme parle, il se redresse et instaure signes et symboles...
Naissent les rites, naissent les chants, naissent les rois et les adorateurs...
De quoi sera donc fait l' avenir?
Je te suis pas à pas, Hombre, spulève une page puis l' autre...
Je ma tapis un peu comme ces animaux méfiants, je l' avoue et j' attends, espérant secrètement, naïvement peut-être un sursaut de spiritualité libre et non de dogmes...
L' homme parle, érige des symboles et des rites...
A quelle "faim"?

Anonyme a dit…

Encore une fois, Kaïkan, ton intuition te fait écrire le mot juste: "faim"! qui nous ouvre tout grand la porte du prochain épisode...

Anonyme a dit…

"à l’homme est réservé
l’usage des signes
et des symboles"

il sait les utiliser,
mais si seulement il savait vraiment les lire...

Bonne journée de création *Hombre* au pied de ton arbre :-)