15.9.06

un monde (2)




dessin d.m.

D’une graine jetée
à la rafale aveugle
d’un vent
d’automne,
peut-être
déféquée
d’un repas
de monstre cornu
des âges anciens
ou d’un rongeur
granivore
lançant à ses alentours
quelques regards
inquiets,
d’une graine trop lourde
échappée à la traction
laborieuse
d’une fourmilière
repue,
l’érection
des forces ligneuses
de la vie
s’est lancée,
intenable,
à l’assaut des dentelles
élaborées
mystérieuses
et parfumées
des espaces
libres.

Jour après jour
nuit après nuit
lunaison
après lunaison
la tige
frêle
transparente
douceâtre
balbutiante
-chanceuse aussi-
téméraire
innocente,
s’est tendue
opiniâtre
crédule,
de toute sa jeunesse
vers l’origine
du monde,
s’est épaissie
endurcie
densifiée
rigidifiée
carapaçonnée,
s’est hissée
s’est vissée
au ventre mou
et fluide
des courants d’air,
s’est érigée
par dessus les plaines
fauves
entraînant
à des hauteurs
inespérées
une grouillitude
jusque-là
rampante
glaiseuse
presque embourbée
de toutes sortes
d’agrégats viables
d’agrégats vivants
de grumeaux tièdes
velus
poilus
pinçus
emplumés
racineux
radicelleux,
de choses aveugles
et de choses conscientes
au moins
de leurs appétits
et de la chaleur
du jour.


Haut
loin
le tronc
a grimpé
s’est dressé
semblant traîner
la Terre
à sa cheville,
lui prêter sa force
dans la poursuite
d’une route
hasardeuse
et pesante.
Elle suit
parce qu’il l’entraîne
dirait-on.
Et si…
Et si…
  






 dessin d.m.



 
Haut et loin
érigé
bandant dru,
lui,
celui-ci
celui qui,
l’arbre
comme on dit
dans le langage
des hommes,
poursuit son temps
à digérer,
goulu,
les arabesques
des vents fous,
à se lessiver
aux pénétrantes
et indiscrètes
saucées automnales,
à gicler
tous azimuts
d’extravagantes
infusions
de pollen
suffoquant
et charmeur.


Une dégoulinure
permanente
un éternel
vibrillonnement
dans toute l’embrassée
de cet univers,
ça mijote de partout.

Au plus profond
de l’emprise
des racines
des vers se lovent
dans les entrelacs
des radicelles,
des empires
de fourmis
se font
se défont
s’assaillent
pouponnent
des milliards
de graines blanches
porteuses de leur éternelle
impasse.

Toutes sortes
de petits monstres
carapacifiés
aux pattes grêles
jouent leur survie
entre les noires galeries
enfouies à l’assise
protégée
du totem
et la fine
dentelure
d’un vert attendri
à son ombre.

L’espace même
dans ses entrailles
frissonne
du vrombissement
incessant
des myriades
de butineuses
des escouades
de bourdons
des sauvages frelons
des guêpes acétiques
qui transforment
l’univers
en cactus,
pourvu qu’on s’en effraie.




"Des hommes sont venus" Texte déposé à SACD/SCALA


av 2 suit

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Quelle belle image de l' incarnation!
Graine " chanceuse" d' avoir su trouver le sol où s' ancrer... Et je revois le temps de ma conception...
Une myriade de spermatozoïdes, un ovule et Zou... nous voilà en chemin vers le monde...
Et te revoilà en ballade sur cet arbre grandissant, Hombre, de la tête aux pieds, des pieds à le tête... dans les cheveux, dans les racines, au-delà des pieds, au-delà des cheveux...
D' ailleurs la tête de l' arbre est-elle bien celle qu' on imagine...
Et me voici, projetant un arbre alchimique...
Mais je reviens à tes mots, Hombre, choisis, ciselés, évocateurs...
De ta loupe de nada, nous plongeons microscopiquement dans les moindres plis et replis de ce totem en érection...
Autoroute pour insectes, crèche pour nouveaux-nés, havre de repos pour voyageurs fatigués, estomac à métamorphoser, déchirer, digérer, se couvrir s'enrouler, déchirer,dérouler, enrouler les échevaux aériens...
J' aime ces passages de l' immensément grand à l' immensément petit...

Anonyme a dit…

Chère chère Kaïkan, j'adore tes extrapolations en direct, cet oeil qui lit jusque dans les recoins des mots et des images.
En créant mon "Etre incarné", je l'ai voulu comme attirant, par sa simple belle présence et son rôle de "croisée" de mondes, l'amour universel. Merci de me faire comprendre que "ça marche".
A tout bientôt.