23.9.06

le fleuve des hommes (2)

dessin d.m.




Comme chandelles
à la gifle soudaine
d’un courant d’air,
les rêves animaux
s’éteignent,
on s’alarme
on sursaute
on se fige
on tend l’oreille.


Des milliers de
petits cœurs
embraient
des chamades
ancestrales
d’inquiétude.
Instinctivement
les adultes
les parents
aux creux des nids,
aux fonds chauds
des abris,
recouvrent les petits piaillants
de leurs corps prêts
à la lutte,
au sacrifice.


Là-bas, au loin,
ça enfle,
comme une marée
qui s’approcherait
vague
après vague
envahissant les landes
après avoir mangé
le sable.


Par dessus la houle
sourde,
des tintements
d’éclats métalliques
écorchent
vivement
le derme alangui
de l’ombre.


Ça s’approche.






dessin d.m.





La rumeur n’est plus
une simple rumeur,
ça se fait vibration
tressautement
piétinement
froissement
écrasement
brisement
craquement.


De partout,
de tous les horizons
sans ménager
de points de fuite,
les rythmes
jusque-là entremêlés
indistincts
embrouillés
prisonniers chacun
des échos des autres
s’affichent désormais
uniques
indépendants
autonomes.


Les bêtes,
sans mots
pour le dire
mais savantes
de leur monde
comprennent
que ce sont
des hommes
des grappes d’hommes
des meutes d’hommes
un océan d’hommes
qui s’approchent ainsi
de toutes parts,
vociférant
frappant
à pleines mains
la peau des tambours,
arrachant
à quelques cordes
de boyaux séchés
tendues sur des troncs creux
des criailleries
de l’autre monde.


Les bêtes savent
rien qu’à voir s’écouler
dans les clairières
des fleuves emplumés
et grondants,
ramper les longues
chenilles blanches
et rouges
sur les chemins poussiéreux,
que leur monde,
celui de l’arbre
et des bienfaits de l’arbre
sera bientôt comme
une île assiégée
perdue
et solitaire
dans l’océan
humain
qui se resserre
et le veut
peut-être
et le veut
sûrement
engloutir.


On a tant
à redouter
des hommes.


Tout ce qui peut voler
tout ce qui peut grimper
et qui n’a pas de petits
à protéger
s’est hissé
dans les hautes branches
criant au danger
lançant l’alarme.
Le reste se pelote
se ratatine
se retient
de respirer.







dessin d.m.





C’est que la lave
bouillonnante
de la marée humaine
s’écoulant
compacte
depuis les hauts plateaux
converge
grouillante
et s’amasse
au pied du géant
arrachant les buissons,
les piétinant,
écrasant les nids
et les œufs prêts d’éclore
et toute bête
qui n’aurait pas trouvé
de refuge sous terre.


Pendant des heures
et des heures encore
la dégoulinade perdure.
Peu à peu les clairières
s’élargissent
les bosquets s’érodent
pour faire place à la flaque
toujours grossie
des hommes.


Impassible,
ignorant tout
du grouillement
des sphères,
le soleil a décrit
sagement
son orbe
et le voilà déjà qui rougit
et le voilà qui s’enfonce
une fois encore
dans les nuées d’ailleurs,
que des traînards
harassés
perclus de fatigue,
boitant
tirés, poussés
portés
venant d’on ne sait où,
en sont encore
à essayer d’atteindre
l’ombre gigantesque
avant que tombe
la nuit
noire.




« Des hommes sont venus » extrait 8 texte déposé à SACD/SCALA



av 8 suit

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Amis de l'arbre, bonsoir!
"écorchent vivement le derme alangui de l’ombre." est mon passage préféré...
Flammes ou hommes, même combat, mêmes dégats n'est-ce pas?...
Le rouge sera-t-il la couleur du prochain tableau?
nuit tranquille Hombre...

Anonyme a dit…

Ah ! Camille, j'arrive trop tard pour répondre, tu as déjà laissé un autre message à la page suivante ! Cela ne m'empêche pas de déposer ici un petit "coucou" au cas où tu y reviennes...

Anonyme a dit…

Le texte s' obscurcit sous cette marée humaine piétinante, dévastatrice... et pourtant tes illustrations prennent de la lumière, s' apurent...
Etonnante résonnance des mots et du dessin... comme si l' un pansait les blessures de l' autre...
Et ce passage me fait penser au mur de la honte en Palestine où, en une nuit, en une seule, un monde s' est vu coupé en deux, saccagé, morcelé, violé...
Est-ce donc ainsi que les hommes vivent?

Anonyme a dit…

Kaïkan, je suis vraiment désolé de dire le monde des hommes comme je le sens. Je ne sais pas faire autrement; et cependant je sais aussi qu'il suffirait d'un rien pour que tout soit si différent!