9.10.06

génèse d'un crime (5)

dessin d.m.




Un geste
un mot,
le monde brûle,
on se dépèce sur pieds.


Mais ceux-ci ne viennent pas,
Le temps n’est pas venu
de lâcher la bonde
et du sang
et du crime.


Il s’agit
pour les rois
de montrer sa force
sa puissance
sa supériorité.


Ce pourquoi chacun d’eux
veut gagner,
ce sur quoi chacun d’eux
veut régner,
c’est l’entièreté
de ces tribus humaines
la totalité
de ces terres grasses
de ces troupeaux
dodus.
Chacun d’eux rêve
de dominer
un empire riche
opulent
prospère,
pas une terre de charniers
désertée des hommes
où même la pire
des ronces folles
n’oserait arrimer
ses griffes.


Enfin, pas encore.

Bien sûr,
s’il fallait en arriver là…








dessin d.m.




Trouver une idée
de duel,
le bras de fer
n’était pas digne d’eux,
ni l’un
ni l’autre
ne pouvait perdre
à ce jeu-là.
Autre défi
autre challenge
un acte hors du commun,
où l’on ne s’affronte plus
d’homme à homme
même si ces hommes
furent nourris
aux nénés de Junon,
mais peuple à peuple,
force d’un peuple
contre force d’un peuple,
sportivement,
et il faudra bien
que l’un d’eux s’incline
à la fin
et se soumette,
tête baissée,
à l’autorité
du chef unique
désigné par l’heureuse
issue du jeu.


On cherchait
on cogitait,
ça urgeait
avant que tout dégénérât
dans un immaîtrisable chaos.


C’est d’un enfant,
trois ans à peine,
innocent,
parce qu’il voulait
jouer au grand,
que surgit la folie.
Ahuri de fatigue,
n’ayant pas pu dormir,
échappé à sa mère
qui s’époumonait, hurlante,
au cœur de la meute,
le voilà,
tout petit,
minuscule,
se faufilant dans l’océan
des piétinements rageurs,
le voilà, invisible,
inaperçu,
qui franchit sans entrave
le cercle magique
des torches qui enclot
depuis des heures
le monde de l’arbre.
Le voilà,
lui, le petit homme,
se rêvant peut-être
lui aussi,
prématurément,
à la tête
du troupeau des bipèdes,
qui lève son petit poing
de chair laiteuse
et crapote des menaces
à l’endroit du géant :
-« Je suis plus fort que toi
je te tuerai, j’ai pas peur
j’ai pas peur ! ».


Dieu venait de parler
par la bouche
de l’enfant :
l’arbre à terre
désignerait
vainqueur
le peuple
qui l’aurait terrassé.
On arracha l’enfant,
redevenu fétu de paille,
du cercle interdit,
il se retrouva
pissant et pleurant
dans les bras
de sa mère
qui ne savait
si elle devait,
pour son intervention
révélatrice,
le battre
ou le chérir.






dessin d.m.




« La vérité sort toujours
de la bouche des enfants ! »


Comment
n’y avait-on pas songé ?
Bien sûr,
de toute éternité,
l’arbre gigantesque
béni de Dieu
attendait que le peuple choisi
vint le mettre à terre.
Là était son destin
son honneur
sa gloire.
Mourir en désignant
la race élue,
nommer, dans un crissement
d’agonie
celui, de tous les humains,
que Dieu voulait
pour Roi des Rois !


Le principe, limpide,
fut admis de tous.
Ou presque.


La règle du jeu
simplissime :
La clairière
immense et nue
se scinde en deux camps.


La frontière,
ligne droite
entre le point de lever
et le point de coucher
du soleil,
traverse l’arbre
en son diamètre.
Chaque peuple,
de son côté,
dans son camp,
attaquera le géant,
l’entamera
de l’acier de ses lames
le mordra au cœur
de sa chair de bois
jusqu’à ce que, fragilisé,
éventré
étripé,
il penche
et s’affaisse
du côté des vainqueurs.




« Des hommes sont venus »
extrait 16 Texte déposé à SACD/SCALA





av 16 suit

4 commentaires:

Anonyme a dit…

et oui... l'homme entend dans les mots de l'enfant ce qu'il veut bien entendre... ce qui lui facilite la tâche... pour atteindre son but... mais certainement pas sa vérité.

Anonyme a dit…

C'est sûr que de faire endosser la responsabilité à des innocents en les proclamant détenteurs de "messages, de vérités révélées" est une tactique utilisées depuis des millénaires par les manipulateurs des masses. Mon petit "bout d'choux" a voulu faire peur à un géant et les peuples en querelle y ont voulu voir un exutoir à leur haine.
Merci de ton mot, Camille.

Anonyme a dit…

"Car il s’élève
le bougre
de toute sa sève
de toute sa fluidité conique
de tout son élan fibreux
jusqu’au bout
du grandir clair
du grandir libre
du grandir élégant
et léger."

C' est donc lui, ce symbole de la pacification que les hommes veulent sacrifier ...
J' avais déjà lu ce post il y a quelques jours, Hombre et cette violence omni présente des hommes m' a laissée de silence ... Et puis merde, Hombre, tu as raison de crier et de dire à voix épuisée de dénoncer, obsédée, guerrière cette folie du monde... Et pourtant, et pourtant, il y a aussi des hommes beaux et qui luttent, d' eux on parle peu ou on les assassine, ou on les laisse assassiner, avec en prime, ultime dérision,la Légion d' honneur ... Honneur de quoi, je te le demande ... Sans doute s' agit-il de la Légion d' horreur ... Juste une erreur de consonnes ...
Et pourtant, et pourtant, Hombre, je crois à l' homme qui se relève et je parie pour une humanité debout ... Naïveté d' idéaliste ? et bien oui, je revendique cette naïveté, je suis déjà tombée, on a déjà voulu me baillonner et pourtant, et pourtant Hombre, je continue de chanter la beauté du monde et mon espoir d'un monde meilleur ...
Tel est mon combat avec mes larmes de maux et mes chants de rêve ... J' y crois, dussé-je en mourir un jour ...

Anonyme a dit…

Les femmes et les hommes qui luttent, beaux, debout, dont tu parles, arriveront à leur heure dans mon conte. Parce que bien sûr, il faut parler d'eux, encore et toujours. (Nous sommes encore sous le coup du meurtre de cette journaliste russe, coupable de "Dire" !!!)
Tu es belle Kaïkan et je suis heureux de t'avoir rencontrée.