4.10.06

génèse d'un crime (4)

dessin d.m.




Le duel se poursuit,
on ranime les braises
dans les coupelles d’or.


Mâchoires serrées
à écraser des pierres,
les souverains torsus,
souffle précipité,
geignant, suant,
s’acharnant à bousculer
le monolithe de l’autre.

En vain.

Ça ne cassera pas
ça ne cassera plus
ils sont égaux.


Les peuples le sentent
les peuples le savent
les peuples sont fiers.
Ils savent
qu’a sonné pour eux
l’heure des braves,
que c’est à eux de trancher.
Ils réclament une pause,
qu’on leur passe le témoin .


Les rois ne cèdent pas,
pas tout de suite.
Ce n’est pas aux peuples
à commander les rois…


Mais…

Si ça les démange
mais s’ils veulent en découdre…


Furieux toujours
rageurs toujours
mais faiblissants
-ils le sentent
si cruellement
dans leurs chairs tétanisées-
les deux Hommes-Dieux pourtant
se questionnent
secrètement l’un l’autre
de leurs regards inquiets,
ils savent bien maintenant
que si l’un d’eux
devait vaincre
ce ne serait plus
de par la force pure,
par supériorité,
ce serait par accident,
un muscle qui lâche,
une crampe…
On ne vainc pas
par accident
par impuissance soudaine
d’un membre .
Qui tirerait gloire
à pouvoir creuser
de la terre meuble ?


Et tous deux, justement,
se sentent à l’instant,
pétris de terre meuble.





dessin d.m.




Et soudain
à la grande surprise
des tribus,
dont le plus souvent
les prières se perdent
diluées
dans les courants d’air,
les deux hommes se redressent
se dessoudent
affichent des airs de coqs,
s’invectivent
de mots ardents,
se retournent chacun
vers son peuple
et de discours virulents
pathétiques
incendiaires,
s’en remettent à eux
pour révéler enfin
le choix
céleste.


Le monde est à cran.

À l’heure où l’on devrait dormir
épuisé des excès du rut
et des vapeurs vineuses,
où, avachis,
entremêlés en des amas
de chairs vidées,
heureuses,
repues,
les corps devraient s’abandonner
à une lente respiration commune,
où les bambins
assommés de sommeil
devraient rêver,
fusionnés au sein chaud
de leur mère,
on est là, tous,
braillant,
s’égosillant,
éructant des injures
des malédictions,
des horreurs.


Et les doigts énervés
caressent fiévreusement
les manches
des coutelas,
les rangs se resserrent
survoltés
autour des plumes criaillantes
des Hommes- Cacatoès.






dessin d.m.




On en est là.

Ces peuples qui,
voilà peu,
échangeaient
ouverts
des pactes de jouissance
des pactes de salive
des pactes d’orgasmes
des pactes de semence
et d’enfantitude,
ces gens qui
se donnaient à l’autre,
à l’étranger,
comme on ouvre sa porte
au mendiant
sans chercher à savoir
s’il s’est lavé,
s’il pue,
s’il grouille de vermine
ou déborde de foi,
ces gens,
ces peuples,
tout à l’heure débridés
dans les mille positions
de l’amour
du désir
et du coït humain,
ces gens
et ces peuples
tourmentés de haine attisée
de vindicte
et du goût retrouvé
du sang,
s’apprêtent au pire,
là,
tout de suite,
pourvu
qu’on leur lâche
la bride.




« Des hommes sont venus » Texte déposé à SACD/SCALA



av 15 suit

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Voilà donc la grande question posée ...
Que devient le peuple livré à lui-même ?

Anonyme a dit…

Il devient ce qu'on veut qu'il devienne en lui faisant croire qu'on lui lâche la bride...
Kaïkan, je suis fatigué de tout ça.
Bonne nuit à toi.

Anonyme a dit…

Bonjour Hombre,
je me bats depuis plusieurs jours contre une vermine intérieure et j'ai l'impression de somatiser tout mon écoeurement face à ce que ce monde dans sa globalité me livre. Cette phrase que j'extrais:

"Qui tirerait gloire
à pouvoir creuser
de la terre meuble ?"

me parle...

la réponse qui me vient à l'esprit est : tous!
nous sommes la terre meuble, et il n'y a pas d'honneur qui vaille, à nous labourer de son soc avec toutes les charrues possibles, et l'imagination de l'homme à ce sujet n'est jamais en peine ...

L'honneur, on n'en a cure, c'est la récolte des fruits attendus qui compte, peu importe la terre ensemencée contre son gré.

A très bientôt Hombre, cette fois avec le sourire, sinon nous allons sombrer de nous-mêmes dans une incurrable maladie... celle de la désillusion... :)