19.11.06

Accueil à l'ombre d'un Géant


Affiche de la lecture publique en avril 2011 au théâtre Le Carré 30 Lyon 1er



Des Hommes sont venus



Toute une vie bouillonne depuis des siècles sous la protection d’un arbre magnifique, gigantesque. Un beau jour, une marée humaine aborde ce monde. Quand elle se retirera, un peu plus tard,  tout aura disparu de l’arbre et du monde de l’arbre. Des hommes seront venus…





Table des matières

Un monde (6 pages)
Le fleuve des hommes (5 pages)
Genèse d'un crime (6 pages)
L'heure de gloire page (4 pages)
Jusqu'au bout (1 page)

 







Ce texte écrit en 2004 à Forcalquier est déposé à SACD/SCALA

4.11.06

jusqu'au bout ?

illustration d.m.






Toute la journée
de chaque côté
de la joute bûcheronne
la consigne a couru
remâchée
rabâchée :


« Au premier craquement
de l’arbre, sauvez-vous,
fuyez de toutes vos jambes ! »


Les sapeurs le savent
encore mieux que les autres.
À la moindre alerte,
tout lâcher et fuir
et après seulement
contempler le travail
savourer la victoire.


Mais commande t’on
à ces choses-là ?


Cela s’est passé
sur un coup de rage.


Un homme de chez les rouges,
englué de sève,
lève sa cognée et
de toute sa force
frappe.


La lame au fil
fraîchement remoulé
s’insinue, profond,
dans la masse.


L’homme tire
s’échine
s’arc-boute
mais l’outil, aspiré
par la chair ligneuse
ne se dessoude pas du tronc.

On vient à la rescousse,
le temps presse
on s’y met à trois, à cinq,
on ahane
on jure
on ajuste l’effort
et tous ensemble
on donne un coup de reins,
un grand,
celui qu’il fallait.


L’outil, arraché enfin
de par le vouloir des hommes
retombe, soumis.















illustration d.m




Alors,
comme échappé
des fondations du monde
un craquement lugubre
déchirant
sinistre,
chapelet de mille et mille
gémissements infernaux
arrachés à mille et mille
fibres torturées vives
au cœur de l’être
qui valse
quelques instants,
comme incertain,
qui s’abandonne
qui fléchit
qui ploie
qui s’affale enfin
de tout son poids
de toute sa mort
sur la masse hagarde
paralysée
pétrifiée
d’un peuple,
du peuple
qui l’a vaincu.


Explosant
dans sa chute
le géant
fauche de ses éclats tièdes
et tranchants
les hommes
par centaines
par milliers,
ceux-là même qui jouaient,
enfants,
à son ombre
crissante de cigales,
qui faisaient l’amour,
immortels,
au creux des racines puissantes
de son érection,
qui, dans le secret
des nuits brumeuses,
s’imprégnaient
de ses ondes bénéfiques
et priaient et pleuraient
à vous en fendre l’âme
pour des bonheurs
fugaces.


Parmi ces corps brisés
écrasés,
deux hommes,
chacun d’un côté
de la frontière tracée
de plâtre blanc,
baignent de leur sang
des plumes orgueilleuses
volées à des cacatoès.








illustration d.m.




Des files harassées d’hommes
de femmes, d’enfants
éberlués
voûtés de détresse
de douleur
de fatigue
de désespoir
reprennent lentement
les chemins poussiéreux
des villages lointains.

Chahutée
par une brise vespérale,
une feuille de papier
s’élève
et plane
dans l’air violet,
offrant au vide spatial
l’image d’un peuple dansant
autour d’un arbre
d’un écureuil
d’un oiseau
d’un scarabée
d’une fourmi,
le dessin
qu’aurait voulu offrir
un petit garçon nu
à une petite fille nue
taquine
déhanchée
la tête légèrement penchée
et au sourire
moqueur.




illustration d.m.




« Des hommes sont venus » extrait 22 Texte déposé à SACD/SCALA